Publicité
CQFD

Islande : cette usine qui élimine le CO2 dans l'air, en sept questions

Récupérer le CO2 présent dans l'air et le stocker, une utopie ? Plus maintenant : une usine capable de capturer le CO2 dans l'atmosphère et de le stocker dans la roche a été mise en route en Islande. Explications dans CQFD.

La centrale géothermique de Hellisheidi, près de Reykjavik, en Islande, alimente l'usine Orca.
La centrale géothermique de Hellisheidi, près de Reykjavik, en Islande, alimente l'usine Orca. (Jemima Kelly/Reuters)

Par Anna Lippert

Publié le 17 sept. 2021 à 16:00Mis à jour le 21 sept. 2021 à 15:10

Pour sauver la planète et limiter les effets du changement climatique, l'humanité n'a pas d'autre choix que de réduire drastiquement ses émissions de CO2 . Cet avertissement du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est désormais bien connu.

Parmi les solutions envisagées pour limiter la hausse des températures : retirer le CO2 présent dans l'air. La plus grande usine de captage et de stockage de CO2, baptisée « Orca », vient justement d'être lancée en Islande et doit aspirer des tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère. Voici quelques éléments pour comprendre cette technologie et ses perspectives.

. Comment fonctionne cette usine ?

L'usine est née de l'association entre l'entreprise suisse Climeworks et le projet islandais Carbfix. Elle est équipée de douze ventilateurs qui aspirent l'air. Le CO2 est ensuite filtré et chauffé pour être séparé de l'air « pur », qui est, lui, rejeté dans l'atmosphère. Le dioxyde de carbone est ensuite mélangé à de l'eau pour être injecté à 1.000 mètres de profondeur, dans le basalte, où il se transformera en roche en deux ans environ. Le CO2 est donc retiré de l'atmosphère de manière permanente.

Publicité

L'énergie nécessaire au fonctionnement de l'usine est fournie par une installation géothermique à proximité du site - une condition sine qua non pour que le bilan carbone de l'installation soit négatif. Climeworks annonce d'ailleurs une efficacité de 90 % en termes d'émissions de CO2 : sur toute la chaîne de valeur, l'usine émet 10 % du CO2 qu'elle capture.

. En quoi est-ce un projet novateur ?

La capture de dioxyde de carbone n'est pas nouvelle , mais elle se fait habituellement sur les sites industriels (sidérurgies, cimenteries, centrales à charbon…), à la sortie des cheminées fortement émettrices. Cette technique permet de réduire leurs émissions. « Ce qui est intéressant, c'est qu'ici on ne va pas réduire les émissions de CO2, mais on va retirer le CO2 qui est présent dans l'air », explique Florence Delprat-Jannaud, coordinatrice CO2 à l'IFP Energies nouvelles.

Selon cette spécialiste du stockage et captage de CO2, cette technologie, appelée « Direct Air Capture » (DAC), pourrait permettre de compenser les émissions de certains secteurs comme l'aérien ou l'agriculture, qui sont difficiles à décarboner.

La capture directe de CO2 est une technologie récente, mais Orca n'est pas la seule usine au monde à l'exploiter. Elle est en revanche la première à stocker le CO2 au lieu de le recycler, pour fabriquer des boissons gazeuses par exemple. « Là, le CO2 va se dissoudre, se minéraliser de façon pérenne et c'est ça qui fait la différence. », détaille Florence Delprat-Jannaud. Le CO2 est également stocké directement sur le lieu de capture, ce qui permet d'économiser des coûts de transports.

. Quelles sont les capacités de « nettoyage » de l'usine ?

L'usine peut capturer 4.000 tonnes de CO2 par an et est ainsi la plus grande usine de capture directe et de stockage de CO2 au monde. Cette quantité de CO2 correspond seulement aux émissions annuelles de 250 résidents américains, selon Bloomberg, mais Climeworks veut déjà accélérer le rythme. Julie Gosalvez, Directrice marketing et communication chez Climeworks, assure que « l'idée était d'être le plus rapidement possible sur le marché pour avoir la technologie prête, et ensuite augmenter les volumes. »

L'entreprise ne compte pas agrandir Orca, plutôt « construire une usine plus grande ». Mais est-ce possible hors d'Islande, où les conditions géologiques sont favorables et les énergies renouvelables disponibles ? Oui, assure Julie Gosalvez. Deux projets pilotes ont été lancés récemment par la boîte à Oman et en Norvège. L'entreprise reste néanmoins prudente sur son avenir et ses objectifs dans un secteur encore balbutiant : « on travaille à la création d'un marché », précise Mme Gosalvez.

Les images de la plus grande usine de captage de CO2 dans l'air

. Qui sont les clients de Climeworks ?

Publicité

Le projet de Climeworks et Carbfix compte déjà plusieurs entreprises parmi ses clients : Microsoft, Shopify ou encore The Economist group. Elle a aussi signé un contrat de 10 millions de dollars avec la société d'assurance Swiss Re. Climeworks a également annoncé plus de 8.000 clients particuliers, qui peuvent choisir de payer mensuellement pour retirer une certaine quantité de CO2 de l'atmosphère.

Si Climeworks ne souhaite pas divulguer le prix du captage de CO2 pour ses clients, celui pour les particuliers est d'environ 1.000 euros la tonne. « Nous pensons que le prix d'acceptabilité du marché est d'environ 150 dollars [127 euros environ] la tonne. A ce prix-là, il y aura une demande très forte. On pourra être sur cette fenêtre-là d'ici 2030 ou 2050 », prévoit Julie Gosalvez.

. Pourquoi ne plante-t-on pas des arbres pour absorber le CO2 ?

Planter des arbres permet aussi d'absorber du CO2, mais implique une utilisation plus grande de la surface au sol et des besoins en eau élevés. L'avantage d'une usine est que les quantités de CO2 captées sont quantifiables et l'occupation de la surface au sol moins grande.

Pour Florence Delprat-Jannaud, ce sont deux techniques complémentaires : « Il y a vraiment une urgence climatique, et opposer des solutions, c'est un problème de riche. Il faut planter des arbres et installer des usines de captage de CO2. Il faut faire de la recherche pour aller plus loin et plus vite. »

. Quels problèmes pose ce procédé ?

Cette technologie est jugée très prometteuse au regard de l'urgence climatique mais se heurte à de nombreuses difficultés. D'abord, le CO2 dans l'air ambiant est plus difficile à capturer que sur des sites industriels, justifie Mme Delprat-Jannaud : « Le CO2 présent dans l'air est beaucoup moins concentré que le CO2 des fumées [industrielles] : il est 300 fois plus faible. » La Direct Air Capture est par conséquent bien plus coûteuse que le captage du CO2 à la sortie des cheminées.

Cette méthode de « nettoyage » de l'air requiert également beaucoup d'énergie, un frein pour opérer à grande échelle. « Aujourd'hui le captage direct dans l'air apparaît dans les scénarios de l'Agence internationale de l'énergie de façon très importante après 2050. Mais pour l'instant, il faut trouver des procédés qui permettent d'augmenter la performance énergétique du captage direct de CO2. Cette technologie ne sera pas déployable à grande échelle si on ne réduit pas son besoin en énergie », prévient Florence Delprat-Jannaud. « Cela ne remplacera pas la nécessité de réduire les émissions de CO2. »

. Y a-t-il d'autres projets de ce type en cours ?

Selon l'IEA, quinze usines de captage direct de carbone sont opérationnelles dans le monde - des projets pilote pour la plupart - et deux autres entreprises se partagent le marché avec Climeworks. La société canadienne Carbon Engineering travaille actuellement en partenariat avec Occidental Petroleum pour construire une usine capable de capturer un million de tonnes de CO2 par an. Il sera réutilisé pour produire du pétrole.

Enfin, la société américaine Global Thermostat LLC travaille en partenariat avec la société pétrolière et gazière Exxon Mobil, également pour recycler le CO2 capturé.

Anna Lippert

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité