Confort d’été : au Japon, avant de monter la clim, on retire sa veste
Au pays du soleil levant, le confort d’été n’est pas qu’une affaire d’orientation du bâti et de brises soleil. Chaque année, le gouvernement nippon lance, en fanfare, le «Super cool biz », campagne qui vise à réduire les besoins en clim dans les bureaux, simplement en modifiant les codes vestimentaires.
John Sapporo
Dans votre bureau le thermomètre approche les 30°C, intérieurement une voix vous souffle « il fait trop chaud pour travailler »…vous êtes ce que l’on pourrait appeler une victime du confort d’été. Négligé en France, le confort thermique estival est, au Japon, élevé au rang de cause nationale.
Pour la dixième année consécutive, le gouvernement nippon a lancé, début juin, le « cool Biz ». Jusqu’en 2011, le message était le suivant : enlever votre cravate et votre veste de costume et une climatisation réglée sur 28° suffira à vous faire vous sentir à l’aise au bureau.
Depuis l’accident nucléaire de Fukushima – évènement qui a fortement réduit la capacité de production électrique du Japon - l’Etat nippon appelle à se rendre au travail plus tôt de manière à profiter de la fraîcheur matinale. Et il n’encourage plus seulement ses concitoyens à faire ôter la veste de costume mais « légalise », jusqu’à octobre - fin de la saison chaude et humide au Japon - le polo basket ou encore le port du Kariyushi, chemise hawaïenne nippone. De manière à aider les cadres à modifier leur garde-robe et à ne pas venir au bureau comme ils vont au Karaoké, la marque japonaise Uniqlo propose même une ligne de vêtements dédiée au « Super Cool Biz ».
Chaque été, les médias japonais diffuent des images des ministres et d’employés gouvernementaux portant des chemises légères aux motifs exotiques. En montrant l’exemple, les autorités nippones souhaitent réduire les besoins en air climatisé dans les bureaux et ainsi freiner la consommation électrique sur leur île.
Marcel et tongs au bureau ?
Sans attendre qu’Arnaud Montebourg enfile un marcel made in France, nous pourrions marcher dans les pas des japonais pour dépasser les faibles exigences de notre cadre réglementaire - la RT 2012 ne va pas plus loin que la RT 2005 sur ce sujet et l’article R.131-29 du code de la construction et de l’habitation se contente de préciser que «?dans les locaux dans lesquels est installé un système de refroidissement, celui-ci ne doit être mis ou maintenu en fonctionnement que lorsque la température intérieure des locaux dépasse 26?°C.?». Le temps est peut-être venu de revisiter notre garde-robe.
L’influence de notre tenue vestimentaire sur notre bien-être a fait l’objet d’importants travaux scientifiques. Professeur à l’International Centre for Indoor Environment and Energy de la Technical University of Denmark, le danois Povl Ole Fanger a tenté d'établir, pour un individu moyen, des températures opératives idéales en fonction de son activité et de son habillement, valables pour une humidité relative comprise entre 30% et 70% et une vitesse de l'air faible (moins de 5 cm/s). Les résultats de ses recherches ont débouché sur l’écriture d'une norme sur l’ergonomie des ambiances thermiques, EN- ISO 7730, qui fait correspondre, pour une tenue et une activité données, une température devant satisfaire un maximum d'individus.
Ainsi la norme EN-ISO 7730 nous dit que 90% des personnes habillées d’une chemise et d’un short ou d’une robe jugeront une température de 28°C bonne, lorsqu’ils sont assis à leur bureau en train de pianoter sur leur clavier d’ordinateur. Et que si ces derniers se mettaient en maillot de bain, le pourcentage de satisfaits grimperait à 95%.
En revanche, s’ils enfilaient un costume ou un tailleur et continuaient à compléter un document word ou un tableau excel, il faudrait que la température du bureau se situe entre 18,5°C à 23,5°C pour qu’ils la jugent acceptable. Et, s’ils se levaient et se mettaient à travailler debout, sans retirer leur veste, ils désireraient alors une température comprise entre 15° et 21°C.
Moins chaud sans clim ?
Dans un immeuble climatisé, notre marge de tolérance croit avec notre degré d'habillement et notre niveau d'activité. Mais dans un bâtiment où nous n’avons pas le contrôle de la température nous devenons naturellement nettement plus indulgents.
En été, dans une chambre où la fenêtre est ouverte, nous sommes beaucoup plus tolérants que dans une chambre où l’air est conditionné. C’est pourquoi d’autres travaux ont été menés afin de situer ces plages de tolérance et ont abouti au modèle dit « de confort adaptatif », pour les bâtiments non chauffés en hiver et non refroidis en été, normalisé dans une annexe de la norme européenne EN 15215. Cette norme indique notamment que, dans un immeuble sans climatiseur, lorsque la température extérieure est de 30°C, nous sommes 90% à accepter une température intérieure qui frôle les 32°C.
Alors pour ne plus entendre cette voix intérieure qui nous souffle « il fait trop chaud pour travailler » et si enfiler une djellaba ou un maillot de l’équipe de France pour aller au bureau ne suffit pas, songeons peut-être à nous débarrasser du climatiseur, nous devrions tout de suite nous sentir plus au frais…
Pour un été au fraisLeMoniteur.fr vous emmène à l’autre bout du monde pour découvrir des actions ou solutions techniques innovantes mises en œuvre afin de se prémunir contre les surchauffes estivales.
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