Jour du dépassement en France : « En vérité chaque seconde compte »

Jour du dépassement en France : « En vérité chaque seconde compte »

Le 5 mai 2022 marque « le jour du dépassement » de la France qui a consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en un an, d’après WWF France partenaire de l’ONG américaine Global Footprint Network. WWF France formule des recommandations pour reculer cette date de 25 jours d’ici 2027. Mais pour des spécialistes, comme l’avocat Arnaud Gossement, « chaque seconde compte », il est vital d’aller beaucoup plus loin et la réponse ne peut advenir qu’au niveau de l’Union Européenne.
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Par Klara Durand

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« Ce 5 mai 2022 marque le jour du dépassement de la France. Alors que le président élu a promis de faire de la France une « grande nation écologique », son mandat présidentiel commence dans le rouge », indique d’office le communiqué de l’ONG WWF France, tout en soulignant qu’il aura suffi de 4 mois à la France pour consommer tout ce que la nature est en capacité de régénérer en une année. Chaque année, le jour du dépassement est mesuré au niveau mondial par l’ONG américaine Global Footprint tandis que WWF France communique le résultat du pays. « Si toute l’humanité vivait comme les Français, elle aurait consommé ce 5 mai toutes les ressources que la planète peut renouveler en un an. Tous les présidents de la Ve République ont laissé l’empreinte écologique du pays se dégrader. En moyenne, selon les données utilisées chaque année par le Global Footprint Network entre 1981 et 2007, le jour du dépassement a avancé de 10 jours à l’issue de chaque mandat », a-t-elle détaillé. Toutefois, elle estime également qu’il est possible de reculer « ce jour du dépassement » de 25 jours d’ici 2027.

Pour ce faire, WWF France propose un scénario de « planification écologique ». Celui-ci prévoit, entre autres, de diviser par deux l’utilisation de pesticides, de parvenir à 25 % de terres cultivées en bio, de réaliser 700 000 rénovations complètes chaque année, de soutenir les alternatives à la voiture comme le vélo pour que les Français puissent l’utiliser pour au moins 15 % de leurs déplacements, de végétaliser l’alimentation et de faire baisser de 20 % la consommation de protéines animales, ainsi qu’accélérer sans tarder le développement des énergies renouvelables.

Mais pour l’avocat spécialiste en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, ce terme de planification écologique est « une notion vide de sens dans laquelle chaque dirigeant peut y mettre ce qu’il souhaite », avant de préciser : « On assiste à la multiplication de ce type d’indicateurs, ce sont des modèles importants et pédagogiques mais bien souvent ils simplifient aussi une réalité beaucoup plus complexe qu’il ne faut pas perdre de vue ». Considérant, par ailleurs, que la crise a déjà un siècle et que « chaque seconde compte ». Il insiste sur le fait qu’il faut aller beaucoup plus loin :

« Je suis contre l’idée de chercher à reculer une date, il faut être plus ambitieux là. L’idée n’est pas de reculer la date simplement pour les hommes. Pour sauver l’ensemble de l’humanité, il faut sauver l’ensemble du vivant, il faut donc tout prendre en compte, l’enjeu est bien plus grand »

« Les moyens de la France pour l’écologie se trouvent au niveau de l’Europe »

En outre, Arnaud Gossement considère que la solution au niveau de l’écologie se trouve du côté de l’Union Européenne : « La première priorité pour le gouvernement français, c’est d’expliquer et d’acculturer les gens au fait que les moyens de la France pour l’écologie se trouvent au niveau de l’Europe. Le gouvernement peut pousser pour que les textes soient le plus ambitieux possible, mais ça n’est pas la France seule qui peut faire basculer le changement », insiste l’avocat tout en expliquant qu’en tant que spécialiste du droit de l’environnement la majorité de ce dernier est lié au droit européen. Il prend pour exemple récent le Green Deal, ce pacte vert pour l’Europe, lancé le 14 juillet 2021, qui rassemble un ensemble d’initiatives politiques proposées par la Commission européenne dans le but de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050.

Faciliter l’accès au juge européen pour les citoyens

Enfin, Arnaud Gossement juge que pour accélérer la prise en compte de l’enjeu écologique au sein de l’Union Européenne, il est nécessaire de changer la procédure de manquement. Cette procédure est définie aux articles 258, 259 et 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Le Recours en manquement peut être déposé devant la Cour de justice de l’Union contre un Etat membre accusé de manquer à ses obligations découlant des traités ou du droit dérivé de l’UE : « Par exemple, cette procédure a déjà servi dans le cas de la France et de ses manquements aux niveaux des législations européennes concernant la chasse », note l’avocat, comme en décembre 2016, lorsque la Commission européenne a renvoyé la France devant la Cour de justice de l’UE pour non-respect des dispositions visant à protéger le bruant ortolan. Cependant, seuls la Commission ou un État membre peuvent saisir la Cour de justice contre un autre État membre qui ne respecterait pas la législation de l’Union européenne. Ce recours n’est pas accessible aux particuliers qui peuvent, malgré tout, porter plainte auprès de la Commission pour lui signaler un manquement d’un État membre au respect du droit de l’Union. Un procédé encore trop long aujourd’hui, selon le juriste : « Il y a trop d’étapes et actuellement cette procédure prend des années. Il faut intervenir vite et faire naître la notion de citoyenneté européenne pour que les citoyens puissent s’en saisir contre les Etats nationaux. En définitive, il faut faciliter l’accès des citoyens aux juges européens. ».

Il espère finalement, tout en reconnaissant cyniquement « qu’il rêve », que soit enfin pris en compte l’enjeu écologique dans sa globalité : « Si on sépare les sujets touchant à l’écologie, c’est contreproductif. Prenons l’exemple du biocarburant pour se passer du pétrole, eh bien on a détruit des forêts en Indonésie parce qu’on n’a pas pris en compte l’entièreté de la question écologique que soulevait le fait de passer au biocarburant », rapporte-t-il, avant d’ajouter : « C’est valable au niveau national, que l’administration de Matignon s’occupe de l’écologie c’est bien, mais le réduire au climat ça n’est pas suffisant, l’écologie ça n’est pas que le climat », en faisant référence à la volonté d’Emmanuel Macron de nommer un Premier ministre en charge de la planification écologique et qui, pour se faire, a organisé une réunion à l’Elysée avec des experts du climat mercredi 4 mai. « Il faut respecter ce principe selon lequel l’écologie doit être au cœur de toutes les décisions prises », conclut-il.

 

 

 

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