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Nos hormones sous le feu des perturbateurs endocriniens

Publié le : 14 January 2021

Nos hormones sous le feu des perturbateurs endocriniens

 

Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques qui perturbent le système hormonal. Particulièrement présentes dans notre environnement quotidien, ces molécules profitent de multiples sources d’exposition : alimentation, cosmétiques, jouets, récipients… jusque dans l’air ! Pour preuve ces mentions « sans parabène » ou « sans Bisphénol A » qui fleurissent sur de nombreux produits de consommation ou au dos de nos tickets de caisse. Les perturbateurs endocriniens sont suspectés d’impacter la reproduction et la fertilité, voire de favoriser l’apparition de certains cancers. Quels sont-ils et comment s’en protéger ?

 

Le rôle de nos hormones

Le système endocrinien tient un rôle fondamental dans de nombreux aspects de notre santé. Celui-ci est composé de plusieurs organes, les glandes (thyroïde, ovaires, testicules, hypophyse, pancréas…), qui sécrètent les hormones. Ces dernières sont libérées dans le sang en vue d’être distribuées dans tout l’organisme et ainsi permettre de réguler certaines fonctions comme la croissance, le métabolisme, l’immunité, le développement cérébral, le système nerveux, la reproduction, la nutrition, le comportement… En d’autres termes, les hormones assurent l’équilibre et le bon fonctionnement du corps humain.

 

L’action des perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs endocriniens peuvent dérégler le fonctionnement hormonal. Leurs mécanismes d’action varient selon la molécule incriminée : ils bloquent, imitent ou perturbent une fonction hormonale normale, entraînant l’altération de différents processus tels que la communication entre cellules ou tissus et la régulation d’étapes clés du développement d’un organisme.

De fait, certaines de ces substances peuvent entraîner des effets délétères, notamment sur la reproduction, et nuire à la fertilité ou perturber le développement du fœtus. Des études ont montré que les perturbateurs endocriniens peuvent également avoir d’autres effets au niveau de l’organisme comme des effets métaboliques, neuro-développementaux ou immunitaires ainsi que l’apparition de certains cancers (sein, testicule, prostate, ovaire) et maladies métaboliques comme le diabète.

La sensibilité aux perturbateurs endocriniens peut varier selon les périodes de la vie. Ainsi, certaines populations (femmes enceintes, nourrissons, jeunes enfants, adolescents en puberté) présentent une sensibilité accrue à ces substances. Par ailleurs, du fait que de faibles quantités d’hormones interviennent dans tant de fonctions vitales, l’exposition à ces composés, même à des niveaux très faibles, à certaines de ces périodes de la vie, peut impacter fortement et parfois définitivement la santé. Les effets de ces divers composés pourraient même se combiner.

Ce n’est plus la dose qui fait le poison…

Certaines de ces substances chimiques, comme le Bisphénol A, pourraient avoir des effets plus importants à faible dose que ceux observés à fortes doses.

 

Les principaux perturbateurs endocriniens

Les voies d’exposition aux perturbateurs endocriniens sont multiples : ingestion, inhalation ou contact cutané. Ces produits sont retrouvés dans de nombreux produits de consommation courante :

  • Dans l’eau et l’alimentation

  • Dans l’air

  • Dans les cosmétiques

 

Excepté dans le cadre professionnel ou à la suite d’accidents (exemple de Seveso), l’exposition aux perturbateurs endocriniens concerne de faibles doses et de façon continue :

 

  • Le Bisphénol A (aussi écrit BPA)

Il est présent dans de nombreux plastiques, pour des questions de résistance et de durabilité :  ustensiles et contenants en plastique, éléments dentaires, jouets, CD et DVD, lunettes, lentilles ophtalmiques, instruments médicaux, petit électroménager, canalisations d’eau, cuves alimentaires et viticoles, tickets de caisse…

Sa capacité à imiter l’œstrogène est à l’origine de déformations génitales chez les nouveau-nés garçons et de puberté précoce chez les jeunes filles, mais également d’autres effets majeurs comme l’hyperactivité, la dépression et le déficit d’attention, sans oublier des troubles du système reproducteur et hépatique, de l’obésité et du diabète, une baisse de la qualité spermique chez l’homme et une hausse des cancers du sein et de la prostate.

Depuis le 1er janvier 2015, l’usage du BPA est proscrit dans la composition des contenants alimentaires (biberons, bouteilles, conserves, canettes en aluminium…). Il a été reconnu perturbateur endocrinien le 16 juin 2017 par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), à la demande de la France.

 

  • Les phtalates

L’usage des phtalates permet d’assouplir les plastiques et de stabiliser les parfums. On les retrouve donc essentiellement dans les matières plastiques comme les rideaux de douche, certains jouets, les revêtements en vinyle, les textiles en simili cuir, les câbles électriques… mais aussi dans les produits biomédicaux, les produits cosmétiques ou encore dans les parfums.

Ce type de composés bloque les effets de la testostérone, hormone sexuelle masculine, en imitant les œstrogènes. Ils modifient la production d’hormones thyroïdiennes et sont à l’origine de malformations génitales, de puberté précoce, de problèmes de fertilité, de difficultés du système respiratoire, d’allergies diverses, d’asthme, d’obésité ou encore de cancers du sein et des testicules.

En février 2017, 4 phtalates (DEHP, DiBP, DBP et BBP) étaient les premières molécules à être reconnues officiellement perturbatrices endocriniennes dans le cadre du règlement REACH.

 

  • Les parabènes

Du fait de leur activité antibactérienne et antimycosique, les parabènes sont des conservateurs largement utilisés dans les produits cosmétiques, les produits d’hygiène, les médicaments ainsi que dans l’industrie agroalimentaire (les conservateurs E 214 à E 219 sont des parabènes).

Ces substances sont à l’origine de troubles du métabolisme, du système de reproduction et de cancers du sein.

 

  • Les alkylphénols

Ces composés trouvent leur intérêt notamment dans les peintures et détergents, les pesticides, les spermicides, dans les tuyaux de plomberie en PVC, certains produits d’hygiène et cosmétiques comme les produits de coloration pour les cheveux, les lotions après-rasage, les lingettes jetables, les crèmes à raser…

En imitant les œstrogènes, ces perturbateurs endocriniens s’accumulent dans l’organisme et peuvent également causer des anomalies dans le développement du système de reproduction ou des cancers du sein.

 

  • L’hydroxyanisol butylé (BHA) et le butylhydroxytoluène (BHT)

Le BHA et le BHT sont utilisés comme conservateurs, du fait de leurs propriétés anti-oxydantes. On les retrouve dans des produits contenant des corps gras comme les crèmes, lotions, produits hydratants, les baumes et rouges à lèvres, les crayons et ombres à paupières, les emballages alimentaires, les céréales, les gommes à mâcher, la viande, la margarine, les croustilles, les soupes et autres aliments déshydratés…

Le BHA est classé « cancérogène possible » par le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC), et fait partie des substances proposées par la France à la Commission européenne pour une évaluation précise d’urgence de ses propriétés toxiques. Il serait en effet à la fois toxique pour la reproduction et perturbateur endocrinien. Selon l’Anses, BHA et BHT sont de proches parents et « leurs usages aussi bien que les préoccupations à leur sujet sont très similaires ». Le BHT semble être également un perturbateur endocrinien. L’Anses a donc saisi les autorités européennes pour que soient réévalués ses effets sur le système hormonal, la reproduction, ainsi que son éventuelle action cancérogène.

 

  • Le cadmium

Le cadmium est surtout présent dans les plastiques, céramiques et verres colorés, certaines  piles et batteries, les photocopies, les pesticides, le tabac, les composants de circuits électroniques, l’eau potable, certains aliments comme le soja, les fruits de mer, les arachides, les graines de tournesol, certaines céréales, le lait de vache…

Il est à l’origine de troubles respiratoires, de l’ostéoporose et particulièrement toxique pour le pancréas, le foie et les reins. Sa responsabilité dans le cancer du poumon a été démontrée.

 

  • Les Ignifuges bromés (PBDE) et le mercure

Ces composés se retrouvent dans certains tissus, meubles, matelas, produits électroniques et véhicules motorisés. On trouve du mercure dans les thermomètres, ampoules, piles, certaines crèmes éclaircissantes pour la peau, crèmes antiseptiques et gouttes pour les yeux.

Les ignifuges bromés imitent les hormones thyroïdiennes et peuvent causer des déficits d’apprentissage, de mémoire et d’attention. Ils diminuent aussi le nombre de spermatozoïdes et altèrent la qualité des ovaires.

 

  • Le plomb

Le plomb est présent dans certaines batteries, dans des tuyaux, des gaines de câbles, des équipements électroniques, la peinture de certains jouets, des pigments, le PVC, des bijoux et verres en cristal.

Ses principaux effets sont neurotoxiques, cancérogènes et perturbateurs des fonctions thyroïdiennes. Il diminue la fertilité, retarde le développement mental, altère le développement du système nerveux, porte atteinte à la maturation sexuelle et peut même être à l’origine de fausses couches.

 

  • Les composés perflurorés (PFC) et le Téflon

Ces substances sont présentes dans certaines crèmes pour le corps, dans des traitements anti-taches et hydrofuges pour les tapis et tissus, moquettes, canapés, textiles, vêtements imperméables et respirants, dans des emballages alimentaires, vaisselle jetable, revêtements anti-adhésifs des casseroles, poêles et ustensiles de cuisine, ou encore dans des équipements sportifs et médicaux.

Ces composés sont cancérigènes et peuvent être à l’origine de faibles poids à la naissance, augmenter le taux de cholestérol, modifier la réponse au stress et altérer le développement du système nerveux du fœtus, avoir un lien avec l’obésité…

 

  • Le triclosan

Le triclosan est utilisé pour ses nombreuses propriétés : antibactérien, antifongique, antiviral, anti-tartre et agent de conservation. En outre, il est présent dans de nombreux produits du quotidien comme les produits de soin et cosmétiques, les rideaux de douche, les éponges de cuisine, les jouets, les vêtements de sport...

L’innocuité de cette substance est remise en cause car elle pourrait bloquer l’activité de la glande thyroïde et l’action des hormones thyroïdiennes en s’accumulant dans les tissus graisseux. Le triclosan serait également toxique pour les voies respiratoires et le foie.

 

  • Les pesticides

Certains pesticides utilisés dans l’agriculture, les jardins particuliers, le nettoyage urbain ou retrouvés dans l’alimentation peuvent être ingérés via notre alimentation. Les produits biocides comme les anti-poux ou les traitements des animaux domestiques peuvent être inhalés. Leurs nombreux effets sur la santé ne sont plus à démontrer.

 

Certains perturbateurs endocriniens demeurent pendant de nombreuses années dans l’environnement et peuvent s’accumuler, ou non, dans notre corps, du fait notamment d’une exposition permanente. En septembre 2019, le premier volet d'une étude baptisée ESTEBAN servant à mesurer la présence des perturbateurs endocriniens dans l'organisme a montré que tous les Français étaient contaminés à différentes échelles. Les niveaux d'imprégnation des enfants étant plus élevés que ceux des adultes.

L'étude ESTEBAN a aussi pointé le manque d'aération du logement comme facteur d'imprégnation aux composés perfluorés (PFC) et aux retardateurs de flamme bromés.

 

L’action des pouvoirs publics

Il reste encore beaucoup de chemin avant d’identifier et de comprendre les perturbateurs endocriniens mais plusieurs d’entre eux sont déjà bien connus du grand public, voire encadrés par la législation (bisphénol A, phtalates, parabènes…).

En avril 2014, la France est le premier État au monde à se doter d’une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE1). Le SNPE 2 (2019-2022) a pour objectif principal la réduction de l’exposition de la population et de l’environnement aux perturbateurs endocriniens.

Au niveau Européen, une liste officielle des (potentiels) perturbateurs endocriniens est disponible sur le site de l’ECHA et régulièrement mise à jour (lien ici). Les évaluations réalisées par l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) dans le cadre de la 2ème Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens (SNPE2), viendront enrichir cette liste avec l'évaluation de six substances en 2020, puis de neuf substances par an à partir de 2021.

 

 

 

Les bons gestes

Les voies d’exposition aux perturbateurs endocriniens sont multiples et rendues possibles via leur présence dans de nombreux objets et produits du quotidien. Pour ce qui est des bons gestes liés à la qualité de l’air :

  • J’aère mon logement au moins 10 minutes par jour

  • Je dépoussière et nettoie régulièrement

  • Mon aspirateur est équipé d’un filtre HEPA, parfait pour retenir les particules fines et les perturbateurs endocriniens qui s’y sont accrochés

  • Je lave les textiles d’ameublement avant de les utiliser : housse de fauteuil, coussins, tapis, tentures…

  • J’évite les tissus ou peintures anti-taches, anti-moisissures ou insectides (acariens, mites, mouches, moustiques…)

  • J’utilise des produits de nettoyage simples et naturels, voire labellisés ; je respecte les conditions d’utilisation ; je limite le nombre de produits utilisés

  • J’évite les désodorisants d’intérieur et les parfums d’ambiance, que ce soit à la maison, dans la voiture ou au bureau

  • J’aménage la chambre de bébé bien avant sa naissance, sans oublier de l’aérer régulièrement

  • Enceinte, je ne participe pas aux travaux

  • J’aménage mon logement avec des matières naturelles non traitées (meubles en bois massif, tissus non traités…) et limite tout ce qui est plastifié (revêtement de sol en vinyle, meubles en PVC ou contre-plaqué, papier peint plastifié, isolant en polyuréthane…)

  • J’opte pour des produits porteurs d’un label (revêtements, peintures, appareils multimédias…) et/ou des matériaux de construction et des revêtements étiquetés A+ pour les émissions dans l’air intérieur

  • J’évite les mousses qui peuvent contenir des retardateurs de flammes (sous-couches de moquettes, coussins de canapé ou de chaise…) et me tourne vers des produits qui mentionnent « sans retardateur de flamme »

  • Je ne brûle pas de bois traité, comme des vieilles palettes souvent imprégnées d’antifongiques ou d’ignifuges

  • J’utilise le moins de pesticides possible, je traite mes plantes d’intérieur à l’extérieur

  • J’évite la cigarette et la fumée de tabac ; je fume à l’extérieur

  • J’apporte au point de collecte les objets qui contiennent du mercure (ampoules, appareils…), du cadmium (piles, batteries…) et autres composés dangereux.

 

Pour en savoir plus

 

Sources