Incendies : les fumées des feux ont-elles un impact sur la santé ?

Une partie de la Gironde et des Landes est touchée par une pollution aux particules fines (PM10 et PM2,5). Que sait-on de l’impact sur la santé des feux de forêt ?

Du côté de Landiras, les prochaines heures seront compliquées, confirme le sous-préfet de l'arrondissement.
Si le principal danger réside dans les flammes, les fumées émanant des incendies de forêt qui se sont étendues sur des kilomètres ne sont pas sans conséquences. (©Service communication / Sdis 33)
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Les images des immenses panaches de fumée en Gironde ne laissaient pas de place au doute.

Les mesures de la qualité de l’air réalisées par l’association de surveillance, l’ATMO Nouvelle-Aquitaine, « ont révélé un dépassement du seuil d’alerte des particules en suspension en plusieurs points de la région, équivalents à des pics de pollution intenses », ont expliqué les autorités dans un communiqué daté du vendredi 22 juillet 2022, multipliant au passage les recommandations aux habitants.

La fumée des feux de forêt produit des particules fines et ultrafines qui peuvent parcourir des centaines de kilomètres et sont susceptibles d’affecter la santé de la population. Actu.fr fait le point sur ce que l’on sait de ces fumées.

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Un rapport d’experts de l’Anses, il y a 10 ans… 

« Un incendie de forêt, c’est nocif, de près (aussi et surtout pour les pompiers, confrontés également au monoxyde de carbone), mais aussi de loin », résume à Actu.fr, Olivier Brun, pneumologue et membre du groupe pollution à la SPLF (Société de pneumologie de langue française).

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait rendu un rapport (il y a 10 ans maintenant) sur les « effets sanitaires liés à la pollution générée par les feux de végétation ».

Déjà, les climatologues et experts ayant contribué à ce travail collectif estimaient que les communes à risque de feux de forêts « pourraient être plus nombreuses à l’avenir et concerner plus souvent les régions du Nord de la France à l’échéance de 2040 ». Nous sommes en 2022 et c’est déjà le cas.

Et, clairement, l’exposition à la fumée de ces incendies n’est pas sans conséquence sur la santé, insistent les spécialistes.

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Quelles sont les particules polluantes émises pendant un incendie ?

Les incendies de forêts émettent différents polluants atmosphériques qui vont dégrader la qualité de l’air. Selon la nature exacte du combustible, sa densité, l’humidité, les conditions de combustion et l’éloignement de la source, les fumées dégagent deux principaux polluants : les particules, qui représentent le polluant de l’air le plus « invariablement élevé par rapport aux seuils réglementaires dans les zones impactées par les fumées » et le monoxyde de carbone mais aussi le dioxyde de carbone (CO2), le monoxyde de carbone (CO), des composés organiques volatils et semi-volatils et des oxydes d’azote (NOx).

Les particules en suspension, aussi appelées poussières et PM (PM signifie « Particulate Matter », particules en anglais), sont classées en fonction de leur taille. Inférieures à 10 micromètres, les PM10 sont retenues au niveau du nez et des voies aériennes supérieures. Inférieures à 2,5 micromètres, les PM2.5 pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire jusqu’aux alvéoles pulmonaires et au-delà. En deçà de 0,1 micromètre, on parle de particules ultrafines (PUF).

Les particules en suspension, un danger

Les feux de forêt (et d’autres types de végétation) produisent « des gaz et des émissions de particules » qui affectent la composition de l’atmosphère. Et la météorologie (régimes de vent, inversion de température) sont des facteurs très influents sur le comportement de ces incendies et des fumées.

L’arrivée d’une masse d’air plus frais sur la façade Atlantique, le mardi 19 juillet 2022, a ainsi réorienté le flux des fumées des incendies en Gironde jusqu’à l’Île-de-France.

Le danger, ce sont justement ces particules en suspension, « qui représentent le polluant de l’air le plus invariablement élevé par rapport aux seuils réglementaires dans les zones impactées par les fumées ».

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Des effets respiratoires à court terme

Les incendies sur les communes de la Teste-de-Buch et Landiras ont engendré une hausse importante de ces particules PM10 et PM 2.5. Les préfectures des Landes et de la Gironde ont déclenché des procédures d’alerte.

« Les PM10 des fumées de feux de végétation peuvent être considérées comme au moins aussi toxiques pour la santé respiratoire à court terme que les PM10 de source urbaine », insistent les spécialistes.

« Ces fumées sont nocives car elles contiennent des particules fines qui passent dans le sang et peuvent avoir des répercussions sur tout l’organisme »

Olivier BrunPneumologue et membre du groupe pollution de la SPLF (Société de pneumologie de langue française)

« L’inhalation de ces fumées de bois altère les mécanismes de défense immunitaires des poumons, importants dans la résistance aux infections pulmonaires. Les études épidémiologiques montrent clairement que l’exposition à la fumée des incendies a des effets respiratoires à court terme : symptômes respiratoires, admissions hospitalières, visites en service d’urgence et diminution de la fonction respiratoire », explique Olivier Brun.

« Les populations atteintes de pathologies respiratoires chroniques, dont les asthmatiques, constituant une sous-population particulièrement sensible. »

« Effet cocktail »

Le pneumologue cite de nombreuses études épidémiologiques (se basant notamment sur les feux de forêt survenus en Californie, au Canada, en Asie du sud-est ou encore au Brésil) montrant aussi des associations entre l’exposition à la fumée des incendies et des effets cardiovasculaires à court terme.

« Des études ont aussi observé une augmentation de la mortalité en association avec de vastes incendies à proximité de zones densément peuplées. Cependant, cette association n’a pu uniquement être rapportée à la pollution de l’air générée. Parfois, c’est un effet cocktail, avec d’autres polluants déjà présents », estime Olivier Brun.

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Un impact aussi sur la chaîne alimentaire ? 

Dans son rapport, l’Anses pointe également le fait que ces feux sont susceptibles de conduire à des retombées de panaches sur des cultures avoisinantes et donc être susceptibles d’impacter ces cultures et donc, potentiellement, la chaîne alimentaire.

En Gironde, les autorités demandent ainsi de « laver à l’eau les légumes et fruits du jardin avant consommation » et d’éplucher les légumes racine et tubercules et de « consommer uniquement des œufs vendus en magasins ». Par principe de précaution, en attendant les résultats des prélèvements effectués dans les élevages, il est déconseillé de consommer les œufs issus des poulaillers de particuliers.

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L’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, en lien avec la préfecture de Gironde et les services de secours, ont organisé l’évacuation de trois Ehpad situés à proximité des feux. 60 personnes en situation de fragilité et vivant à domicile ont aussi être prises en charge et mises à l’abri.

Sont particulièrement concernées par les conséquences de ces incendies : les personnes ayant des antécédents respiratoires de type asthme, insuffisance respiratoire chronique ou autres pathologies respiratoires, ainsi que les personnes présentant une insuffisance cardiaque, pour lesquelles les effets irritants des fumées peuvent aggraver leur pathologie.

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